Les situations de tensions relationnelles font souvent l’objet de demande de coachings. Ce sont des accompagnements délicats car le coaché arrive éprouvé en séance avec un passif relationnel souvent lourd de plusieurs semaines voire plusieurs mois de conflit larvé ou déclaré.
Dans ces situations, il est tentant pour les salariés impliqués de s’éviter au lieu de s’ajuster. Or l’évitement crée de la violence, celle de ne pas être entendu, de se sentir ignoré voire déconsidéré, de vivre de l’injustice. Il favorise la cristallisation des tensions avec des conséquences RH parfois radicales : mobilité ‘subie’, perte de crédibilité avec impossibilité de mener à bien ses missions, ambiance de travail délétère, arrêt maladie et risques psychosociaux voire départ « forcé » de l’entreprise.
A force de désajustement les salariés en conflit finissent par ne plus du tout se comprendre, et ce qui pouvait être au point de départ « juste » une manière différente d’appréhender les évènements, se transforme en une histoire de personnes (« je ne me sens pas respecté » ; « il le fait exprès pour me mettre en difficulté » ; « il ne m’a jamais apprécié » ; …). Progressivement s’opère un glissement sur le terrain du personnel, terrain hautement inflammable car chargé émotionnellement, où le réactionnel devient la règle, le théâtre de répétitions sans issue satisfaisante possible.
En séance, je travaille avec le coaché à baisser la charge émotionnelle, en accueillant l’inconfort de ce qu’il vit et qui correspond parfois à la réactivation de situations anciennes vécues, situations potentiellement traumatiques sur la base desquelles il s’est construit une stratégie de protection (attaque, repli, évitement). C’est la phase d’accueil et de réparation.
Je suis parfois aussi amenée à reconnaître l’injustice d’une situation qui n’est pas le fruit d’une intention de nuire (j’ai sinon un rôle d’alerte auprès des RH ou du DG) mais la résultante d’un enchaînement « malheureux » d’évènements.
Quand c’est possible et que la personne en a les ressources, s’ouvre ensuite une phase de confrontation souvent fructueuse à l’occasion de laquelle le coaché contacte des ressources dont il ne soupçonnait pas l’existence ; ressources dont il ne disposait pas à l’époque et qui lui permettent aujourd’hui de rompre la répétition.
Le télétravail en ce qu’il offre cette « solution » de facilité de s’éviter au lieu de s’ajuster, invite à encore plus de courage managérial et d’agilité relationnelle car rester en lien demande des efforts pour sortir de son mode d’interaction naturel et se mettre dans les baskets de son interlocuteur. En cela, la process communication offre un éclairage intéressant en sensibilisant le coaché à d’autres modes de fonctionnement que le sien.
Mais c’est avant tout l’expérience relationnelle qui se vit en coaching qui est modélisante. De la même manière que le manager doit faire preuve de courage pour conserver le lien avec son collaborateur, le coach doit passer de la réparation (reconnaître le douloureux de la situation) à la confrontation (dire ce que le coaché n’a pas envie d’entendre) tout en conservant l’alliance. Le coach traverse l’inconfort de se faire l’échos de cet « Autre » sur lequel le coaché cristallise toute son aversion. Dans le même temps il reste vigilant à ne pas ajouter de la violence à la violence, en identifiant le bon moment, celui où la confrontation va être fructueuse au risque sinon de renforcer les résistances du coaché et d’apparaître déloyal.
L’entretien tripartite en présence du manager et parfois des RH est une autre occasion de se dire les choses avec le soutien du coach. De se remettre les uns et les autres en responsabilité, et de collectivement trouver une manière de sortir par le haut d’une situation relationnelle conflictuelle qui pourrait sinon s’enliser jusqu’à un point de non-retour.
Accompagner une personne confrontée à des tensions relationnelles au travail, c’est remettre de la fluidité et de l’humain, là où elle vit de la violence et de l’inextricable. C’est aussi aider le système (le binôme/l’équipe/l’entreprise) en permettant que chacun des acteurs impliqués participent, en responsabilité, à la sortie d’une situation de crise.